Les explications qui suivent sur l’historique de la ferme et de l’association sont extraits d’un ouvrage intitulé
"CREUSE, VILLAGE D'ANTAN... et d'aujourd'hui",
Ouvrage d’Edouard LEGENNE, Pierre DUQUET et Maurice HOËL publié par les Amis de la Ferme d’Antan paru en 1990
Voilà ce que raconte Maurice HOEL, qui fut président de l'association de 1985 à 1994, sur "la ferme d'Antan,"
au chapitre XXXI du livre référencé ci-dessus :
« Les bâtiments, qu'à Creuse on appelle communément "la ferme du château" datent de la fin du XIXème siècle. En 1878, le château et l'ancienne ferme furent vendus par la famille de TOURTIER.
La ferme était alors louée à M. Delaplace. Elle se composait de bâtiments relativement réduits et anciens, et de 70 hectares environ, ce qui à l'époque, était important. La maison d'habitation se trouvait à l'emplacement actuel du tas de fumier.
En mai 1878, comme cela a été relaté par ailleurs, Joseph FAMECHON, arrivé de Roubaix, signait l'acte d'achat. Il devait entreprendre une reconstruction complète de la ferme. En 1890 une cérémonie célébra le renouveau de cette exploitation agricole.
C'était une "ferme modèle" dont le style ne rappelait pourtant, en aucune manière, les exploitations picardes traditionnelles.
A cela deux raisons :
La première serait que son architecte, un parent de Joseph FAMECHON originaire de du NORD avait plutôt l'habitude des bâtiments industriels.
La seconde, plus évidente, étant que tout l'ensemble était orienté vers la rationalisation et l'organisation du travail, notions qui nous sont maintenant familières, mais qui à l'époque, font honneur à l'esprit novateur de Joseph FAMECHON.
Déjà une ferme modèle en 1880
Lorsque vous arrivez à la grande ferme de Creuse, ses petits toits en dents de scie vous font penser aux bâtiments d'usine que vous avez déjà vu dans la région (vallée de la Nièvre et de la Selle, Flixecourt, Saleux) et vous êtes perplexe.
La ferme est, en effet, un rare exemple d'architecture agricole réalisé dans la deuxième moitié du XIXème siècle qui connut surtout un grand essor industriel. D'où une influence certaine, que souligne le type de toitures de plusieurs bâtiments :
écuries, chambres des ouvriers, à gauche du bâtiment, logement, hangar à récoltes (actuelle salle des fêtes de la commune de Creuse), charretterie qui fermait la cour du côté de la mare (bâtiment vétuste, maintenant démoli).
Cette influence se retrouve dans la disposition des bâtiments principaux, qui fait apparaître une recherche évidente d'organisation du travail à la ferme s'inspirant de celle appliquée dans l'industrie et se développant suivant deux critères :
d'une part, la division du travail
d'autre part, l'économie d'énergie humaine ou animale.
Ces principes nous les retrouvons, dès 1880 à la ferme de Creuse, bien avant ce qui fut appelé la "taylorisation" du travail au début du XXème siècle.
Une unité :
La cour de la ferme avec le logement du chef de culture (5) qui regarde l'entrée, sa laiterie, son four à pain (6), sa cuisine (7) pour les repas des ouvriers (une trentaine au moment des moissons) ses écuries (1) importantes (une vingtaine de stalles, avec un lit suspendu pour deux charretiers chargés de la surveillance des chevaux et surtout des poulinières), sa grange (8), sa charretterie (4), son fumier central.
Une autre unité :
Une très grande étable (9) pour vaches laitières en 2 rangées avec une longue auge centrale, une étable pour les veaux (10), une fosse (11) à betteraves fourragères et pommes de terre de très grande capacité couverte de paille l'hiver pour éviter le gel ; un manège (12) entraîné par 4 chevaux pour actionner les différentes machines : batteuses, hache-paille, aplatisseur à avoine, broyeur à betterave fourragère, grugeoir à pommes à cidre.
Etude de la dépense d’énergie :
Pour la cour de la ferme : tout tourne autour du fumier. Les distances sont réduites : fourrage au-dessus des écuries, avoine dans le grenier de la grange voisine.
Pour l'élevage : tout est conçu de façon rationnelle pour une production importante de lait, beurre, viande(veaux) ; manutention réduite et circuits courts ; fourrage dans le grenier au-dessus de l'étable ; betteraves fourragères dans la fosse voisine, portées au broyage près du manège, paille pour les litières dans le grand hangar situé au-delà du manège.
L'architecte et Joseph FAMECHON ont donc eu le souci de concevoir une ferme fonctionnelle, orientée surtout vers l'élevage, exemplaire pour l'époque.
Alors qu'au milieu du XIXème siècle, la construction de beaucoup de maisons particulières et de bâtiments de ferme était faite en torchis, ils ont choisi un matériau plus noble : la brique.
Enfin les bâtiments ont été édifiés à proximité du château et de la mare, réserve naturelle d'eau pour les bêtes, dans un village où les puits sont rares et profonds (30 à 40 mètres) : un puits pour l'eau potable au château, un à la ferme, un pour les habitants du village, face à la mairie, au milieu du carrefour.
Une ferme sur le déclin,
Rachetés en 1902 par Raoul VIOLETTE, les bâtiments de la ferme, ne semblent pas avoir été très entretenus au fil des années. Raoul Violette était plus un éleveur, herbager et négociant en bestiaux, qu'un cultivateur et un organisateur comme Joseph FAMECHON. Et les malheurs familiaux de sa fille Elisabeth, surtout après la mort de son fils en 1944 n'arrangèrent rien.
Si l'exploitation a continué, vaille que vaille, les bâtiments se sont dégradés et certains, même, se sont irrémédiablement effondrés.
C’est le nom que porte l’association qui gère le site de la Ferme d’Antan, il s’agit d’une association de type loi de 1901, créée en 1983 à Amiens par une équipe de copains passionnés et attachés au monde rural.
Résolus à faire connaître au plus grand nombre les matériels agricoles anciens, à continuer de les faire fonctionner,
ils mettent en œuvre leurs savoir faire et leur vécu pour créer cette ferme rendue vivante par la présence des animaux comme on pouvait les voir dans les fermes de jadis.